Introduction 2017
Qu’est ce que nous appelons "cultures numériques" dans le cadre de ce cours ?
0. Quelques anecdotes en 2017
Depuis le début du 21e siècle, les superlatifs sont devenus assommants, mais il faut reconnaitre que la révolution informatique nous affecte dans quasiment tous les aspects de notre vie. Les transformations sont d’autant plus évidentes quand elles sont politiques et culturelles. Quelques anecdotes :
– Un chatbot Nazi Tay, l’intelligence artificielle développée par microsoft pour échanger sur twitter, devenue nazie en moins de 24 heures au contact de trolls.
– Nuage polluant : l’informatique au niveau mondial pollue autant que le trafic aérien. Le "cloud", les réseaux sociaux, les fermes de serveurs et les ordinateurs personnels consomment une énergie informatique grandissante même si les stickers verts sont collés par millions pour signaler des puces plus économes et éco-responsables. Le concept d’internet des objets, qui fantasme un électro-ménager connecté en permanence, ne donne pas des perspectives d’avenir à la baisse de ce côté.
– C’est vous le produit : Le concept d’économie de l’attention à peine théorisé, des initiatives naissent pour tenter de brider le pouvoir des réseaux sociaux et autres usages qui capturent le temps disponible de la population connectée grâce à des stratégies issues des neurosciences et de la psychologie. Le scroll infini des pages étant leur source de revenu grâce à la vente de statistiques et d’espace publicitaire, les majors du web dépensent des sommes folles à capturer leur public.
– Les startupeurs montrent le gros doigt. Les femmes et hommes politiques affolés par le pouvoir politique des grandes industries du web se tournent vers elles pour tenter de comprendre et agir, ce qui donne lieu à des leçons condescendantes d’une foule de patrons de start-up devenus gourous du libéralisme. Parmi eux, Laurent Alexandre, fondateur de Doctissimo, a donné la leçon à l’assemblée nationale française sur l’intelligence artificielle.
– Nahemi Gonzales et le filter bubble : Le père de Nohemi Gonzales, tuée lors des attentats de novembre 2015 à Paris, poursuit en justice Facebook, Twitter et Google qu’il accuse d’avoir permis à l’EI de diffuser son idéologie.
Le père d’une victime des attentats de Paris porte plainte contre Facebook, Twitter et Google, Libération, juin 2016
How Facebook decides what posts to show users. Image via TechCrunch.
Les algorithmes font du recrutement ?
Ce n’est pas seulement l’accès et la circulation de l’information qui est visé par le père de Nohemi Gonzales. Il s’appuie pour accuser les médias internet sur le phénomène du filter bubble, résultat des algorithmes utilisés par les sites comme Google ou Facebook. Ce concept développé par le militant d’Internet Eli Pariser décrit les procédures de sélection des contenus auquels nous avons accès sur les plateformes de recherche et les médias sociaux, dont le but est d’augmenter les "chances d’engagement" (les clics, likes et réponses diverses). Ces procédures ont pour effet de filtrer donc les contenus les plus susceptibles de générer de l’intéraction et enferment chaque internaute à l’intérieur de sa bulle, ne voyant que les contenus qui renforcent sa propre vision du monde.
Cette personnalisation est mise en place à notre insu à partir des différentes données collectées sur notre utilisation. Le terme de « bulle de filtres » renvoie à l’isolement produit par ce mécanisme : chaque internaute accède à une version différente du web, il reste dans une « bulle » unique et optimisée pour lui.
Malgré la très forte médiatisation de la théorie de la bulle de filtres d’autres lectures sont possibles. C’est notamment la thèse d’André Gunthert dans « Et si on arrêtait avec les bulles de filtre ? » (André Gunthert est maître de conférence à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), où il occupe la chaire d’histoire visuelle).
D’après lui, « le système de sélection de Facebook ne modifie que de 1 % l’exposition aux contenus politiques de camps opposés ». Et donne la parole au spécialiste Dominique Cardon, qui résume : « La bulle, c’est nous qui la créons. Par un mécanisme typique de reproduction sociale. Le vrai filtre, c’est le choix de nos amis, plus que l’algorithme de Facebook. »
Projet disponible en ligne proposant par une application d’étudier soi-même nos comportements et utilisation de facebook : We want to give you back your Facebook data !
http://dataselfie.it/#/
Dans un même mouvement critique mais en sens inverse, visitez aussi la [loveMachine] de Julien Deswaef.
– Volkswagen et son logiciel propriétaire - et tricheur : En septembre 2015, l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) révèle l’utilisation par le groupe Volkswagen, de 2009 à 2015, de différentes techniques visant à réduire les émissions polluantes de certains de ses moteurs lors des tests d’homologation. Volkswagen a mis au point un logiciel fraudeur détectant les « tests de certification » et activant la dépollution pendant ces tests mais la désactivant le reste du temps.
Suite à ce scandale l’Electronic Frontier Foundation (ONG défendant la liberté contre l’emprise sociale de l’électronique) a réclamé l’accès au code source des logiciels embarqués, ainsi que l’utilisation obligatoires des logiciels libres et ouverts dans le monde de l’automobile.
Update 2017 : James Liang, ingénieur chez VW, vient d’être condamné à 40 mois de prison et à 200.000 dollars d’amende. Lui et son équipe auraient masqué leur incapacité à rendre le moteur EA 189 compatible avec les normes d’émission polluante en créant le fameux code qui permet à la voiture de reconnaitre les condition de test. Comme pour Jérôme Kerviel, condamné pour la perte de milliards d’euros en bourse, la responsabilité est au final individuelle, et plutôt au bas de la hiérarchie des grands groupes impliqués dans des scandales.
– Hillary selfie : Septembre 2016, à l’occasion de sa campagne électorale, Hillary Clinton rencontre à Orlando une foule de 500 personnes où presque qu’aucune ne la regarde, lui tournant toutes le dos pour réaliser un selfie avec la démocrate. Le public venu pour assister à son discours étant trop important pour la salle de l’événement, cette foule se tient dans une salle de “débordement”. Clinton propose alors de faire un selfie de groupe, posant pour répondre à la demande de la foule du parfait selfie.
Pour certain c’est la représentation de la génération selfie narcissique, mais le selfie semble aussi apparaître comme réponse à la surabondance d’images, où chacun a besoin de s’ancrer dans le décor.
Dans ses conditions d’utilisation, Instagram mets en garde les usagers sur des comportements ou constats de comportements de trouble de l’alimentation, autrement dit "anorexique" #proana
http://tempsreel.nouvelobs.com/rue89/rue89-nos-vies-connectees/20151130.RUE1498/anorexie-photographier-ses-repas-pour-les-partager-a-nouveau.html
1. Digital, standards industriels et capitalisme
L’histoire de l’informatique est à la fois intellectuelle, industrielle, et militaire.
On cite en effet les recherches très théoriques de Liebniz, de la machine analytique de Babbage, des avancées formidables de Ada Lovelace, mais son histoire s’appuie aussi certainement sur le métier Jacquard mis au point dès 1801 et qui va participer de l’industrialisation des filatures au cours du 19 siècle.
Cette trajectoire est liée à celle du couple recherche/développement, qui s’appuie sur le capitalisme : un investissement plus ou moins risqué dans la recherche débouchant sur des innovations prometteuses de retours sur investissement.
Un outil est un objet prolongeant et affinant les capacités de l’homme. Le marteau est un poing, en plus lourd et plus solide, qui augmente les capacités de l’homme tout en lui gardant ses qualités. La machine passe à une autre échelle de l’évolution technique : on lui transfère une partie de l’intelligence du procédé, ce qui a de multiples conséquences : elle peut être plus rapide dans son exécution, enchainer plusieurs étapes d’un procédé en une seule manipulation, et surtout elle décharge celui qui la manipule de l’intelligence transférée, ce qui le rend plus facilement remplaçable. L’artisan connait son métier, l’ouvrier connait la machine...
L’informatique est dans ce contexte une étape cruciale de l’industrialisation, qui a permis d’adjoindre à l’électromécanique les logiciels, qui représentent le point culminant du transfert d’intelligence vers les machines.
Un deuxième axe de réflexion est la relation de l’informatique au traitement de l’information en démocratie de masse. La tabulatrice traite les cartes perforées. Chaque perforation est une information qui peut être additionnée avec d’autres d’un même type. Herman Hollerith invente un système de stockage sur carte perforée contenant 210 informations binaire avec lesquelles il établit le recensement de la population américaine de 1890 en 3 ans au lieu des 9 ans du recensement précédent. Il a déposé un brevet en 1887, évidemment.
Les premières tabulatrices sont des machines construite pour une seule tâche (par exemple additionner certaines informations, ou trier les cartes). Une évolution importante sera faite lorsqu’on pourra changer leur fonction en changeant les câblages internes. L’idée de génie suivante sera d’écrire le schéma de ces câblages sur... une carte perforée. Le programme informatique est né sur des cartes en papier pleines de trous.
La standardisation est le troisième aspect central de l’informatique. Cette standardisation s’est produite par plusieurs méthodes. On pourrait croire que c’est la concertation entre ingénieurs qui permet de choisir le format de papier, de composants, ou de syntaxe les plus rationnels, pour que tout le monde emploie les mêmes outils et puisse se les partager. Après tout, le mètre étalon est choisi après concertation de scientifiques dans la foulée de la révolution française, et offert au monde comme une référence universelle permettant de partager la connaissance.
Mais les débuts de l’informatique sont marqués par la création de holdings et de trust.
Un holding, pour rappel, un holding société ayant pour vocation de regrouper des participations dans diverses sociétés et d’en assurer l’unité de direction.
Un trust est une grande entreprise qui possède des positions fortes, voire dominantes, sur plusieurs marchés proches, au sein d’un secteur industriel.
Herman Hollerith quitte l’administration une fois terminé le recensement de 1890, et fonde en 1896 la Tabulating Machine Corporation. En 1911, Charles Ranlett Flint, un spécialiste des trust (il a fait fortune en fusionnant des entreprises dans le domaine du caoutchouc, puis du chewing-gum) fusionne quatre sociétés dont celle de Herman Hollerith pour former le CTR (Computing Tabulating Recording Company). CTR élargit ses activités et en 1924, son nom change pour International Business Machines Corporation, plus connu sous son acronyme IBM, qui deviendra un partenaire incontournable de l’état et de l’armée américaine dans le développement de supercalculateur et d’ordinateurs...
L’informatique s’est donc standardisée aux USA par la création d’une entreprise dominante en relation étroite avec le pouvoir de l’état. Il ne faut pas oublier que le terme PC a été déposé par IBM (on dit IBM PC) et qu’à sa suite, les ordinateurs qu’on appelle "PC" sont en fait des "compatible PC", c’est à dire des ordinateurs utilisant les mêmes standards de connexion et de logiciels que ceux d’IBM.
1.1 Digital, standards de genre et capitalisme
Qu’est-il arrivé aux femmes dans les sciences informatiques ?
Selon une étude de la "national science fondation" aux états unis, dans le milieux des années 80 le nombre de femmes engagées dans les études de sciences informatiques n’a cessé de régressé.
GRACE HOPPER
https://fr.wikipedia.org/wiki/Grace_Hopper
https://www.womenwhocode.com/blog/129
Un algorithme déduit la sexualité des personnes sur un site de rencontre avec une précision allant jusqu’à 91%, ce qui soulève des questions éthiques difficiles :
https://www.theguardian.com/technology/2017/sep/07/new-artificial-intelligence-can-tell-whether-youre-gay-or-straight-from-a-photograph?CMP=fb_gu
L’ingénieur russe Grigory Bakunov a développé un algorithme capable de cacher l’identité d’une personne aux yeux de l’intelligence artificielle. « Un algorithme simple mais efficace que j’ai développé très vite »
http://www.ulyces.co/news/ce-maquillage-futuriste-permet-dechapper-aux-systemes-de-reconnaissance-faciale/?utm_content=buffer395a4&utm_medium=social&utm_source=facebook.com&utm_campaign=buffer
Artiste = producteur du secteur culturel
Entrer dans une école d’art, c’est passer d’une culture de la consommation à une culture de production. Ça signifie qu’il y a confrontation aux outils de production et aux contrats qui nous y lient, ça signifie faire le choix d’outils et de stratégies, tant au niveau de la fabrication que de la diffusion. C’est se coltiner les difficultés d’exister dans un océan de productions, dont beaucoup sont des produits de l’industrie, occupant puissamment l’espace culturel.
2. Digital native = consumer
Le numérique est un espace de dépossession.
Entre le pc des parents, outil qui montrait sa complexité à chaque utilisation et forçait à comprendre sa logique interne, outil résistant et excluant mais ouvert à la manipulation, et la tablette faite pour consommer des services dans un « écosysteme » qui est en fait un contrat liant fortement hardware, software et l’utilisateur, il ne s’est passé que 30 ans.
3. Le cocon technologique
Les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) occupent le terrain, et se rendent incontournable par la puissance des outils qu’ils proposent.
Entrer en résistance contre ce qui semble être cette nouvelle forme de pouvoir semble illusoire, d’autant que l’enfermement qu’ils nous imposent s’accompagne d’un confort moelleux du quotidien, dont il est douloureux de s’extraire.
« Voilà pourquoi on ne peut céder à la posture que les objets du capitalisme sont laids. La vérité c’est qu’ils sont beaux. (...) Le capitalisme produit conjointement des objets et une esthétique (...) Il produit ce que j’appelerai « le saisissement moelleux des corps ». Le capitalisme c’est donc aussi ceci : le corps dorloté »
→ Frédéric Lordon, La révolution n’est pas un pique-nique. Analytique du dégrisement.
4. Comprendre deux approches opposées : A open letter to hobbyists
Janvier 1976, Bill Gates écrit aux membres du Homebrew Computer Club. Bill a constaté que les utilisateurs de l’Altair BASIC utilisent des copies de son logiciel.
C’est le premier clash entre point de vue mercantile et démarche de hobbyists (de bricoleurs, donc) sur ce que sont les logiciels.
UNE LETTRE DU MITS - Alors que la newsletter était presque prête, unelettre de Bill Gates est arrivée du MITS. La reproduction (le seul « programme » du MITS que nous ayons reproduit) en page 2 devraient être lu par tous les friands d’ordinateurs. Il est certain que plusieurs d’entre vous vont vouloir répondre à Bill. Envoyer moi une copie de votre correspondance à l’adresse : HOMEBREW COMPUTER CLUB NEWSLETTER, P. 0. Box 626, Mountain View, CA 94042 et j’essaierais d’en faire un résumé de vos commentaires.
Homebrew Computer Club Newsletter - Volume 2, n°1 31 janvier 1976.
Rédacteur : Robert Reiling
Dave Bunnell du MITS a envoyé la lettre aux principales publications d’informatique du pays. La lettre a été publiée dans le Computer Notes du MITS (3 février 1976), People’s Computer Company (mars 1976) et Radio-Electronics (mai 1976, pages 14 et 16).
Une lettre ouverte au hobbyistes
3 février 1976Pour moi, le point le plus problématique du marché des amateurs d’informatique est le manque de formation aux logiciels, c’est-à-dire la documentation et le logiciel en lui-même. Sans de bons logiciels et un propriétaire ayant une certaine connaissance de la programmation, un ordinateur personnel ne sert à rien. Des logiciels de qualité peuvent-ils être créés pour le marché de ces amateurs ?
Il y a environ un an, Paul Allen et moi-même, s’attendant à ce que le marché des amateurs se développe, avons engagé Monte Davidoff et commencé à développer Altair BASIC. Bien que le développement initial ne prit que deux mois, nous avons, tous trois, passé le reste de l’année à documenter, à optimiser et à améliorer BASIC. Nous avons ainsi mis en place les versions 4K, 8K, EXTENDED, ROM et DISK BASIC. La facture pour le temps processeur que nous avons utilisé dépasse 40 000$.
Les retours que nous avons eu des centaines de personnes qui revendiquent utiliser BASIC ont tous été positifs. Deux choses surprenantes apparaissent malgré tout : 1) La plupart de ces « utilisateurs » n’ont jamais acheté BASIC (moins de 10% des acquéreurs d’Altair ont acheté BASIC), et 2) La somme des redevances que nous avons perçu sur les ventes au public fait que le temps passé à développer BASIC nous rapporte moins de 2$ de l’heure.
Pourquoi cela ? Comme la majorité des amateurs devraient le savoir, la plupart d’entre-vous volent les logiciels. Le matériel doit être acheté, mais les logiciels sont considérés comme quelque chose que l’on partage. Qui se soucie de savoir si les personnes qui ont travaillé dessus seront payées ?
Cela est-il équitable ? Une chose que vous ne faites pas en volant des logiciels est de prendre votre revanche contre MITS pour les problèmes [matériels] que vous avez rencontrés. MITS ne gagne pas d’argent en vendant des logiciels. Les redevances qu’ils nous reversent, le manuel, la cassette et tout le reste rendent l’opération à peine rentable. Une chose que vous faites est d’empêcher de bons logiciels d’être écrits. Qui a la possibilité de faire gratuitement un travail d’une qualité professionnelle ? Quel amateur peut embaucher trois hommes pendant un an pour programmer, rechercher les bugs et documenter son produit, puis le distribuer gratuitement ? Le fait est que personne, en-dehors de nous, n’a investi beaucoup d’argent dans les logiciels pour le grand public. Nous avons écrit 6800 BASIC, et nous développons actuellement 8080 APL et 6800 APL, mais il y a très peu d’avantages à les rendre disponibles aux amateurs. Sans détours, la chose que vous faites est du vol.
Et pour ce qui est des personnes qui revendent Altair BASIC, ne font-ils pas de l’argent sur le marché des logiciels pour amateurs ? Oui, mais ceux qui nous ont été signalés vont perdre en fin de compte. Il y en a qui donnent une mauvaise réputation aux amateurs, ceux-ci devraient être expulsés des réunions d’amateurs auxquelles ils se présentent.
J’apprécierais les lettres de quiconque voudrait régler sa dette, ou qui souhaiterait proposer une suggestion ou un commentaire. Écrivez moi au 1180 Alvarado SE, #114, Albuquerque, New Mexico, 87108. Rien ne me ferait plus plaisir que de pouvoir embaucher dix programmeurs et d’inonder le marché du logiciel grand public avec des logiciels de qualité.
Bill Gates
General-Partner, Micro-Soft
A) Gates et la pensée startup
Bill gates ne programme pas sur l’altair. Il a vu une publicité sur cette machine dans la presse spécialisée. Il est étudiant à Harvard et cherche un débouché à ses études.
Il veut créer un marché, ou au moins vendre un produit sur ce marché.
Il va écrire le programme BASIC sur un PDP-10, une machine capable d’émuler d’autres ordinateurs, ce qui lui permet de programmer son logiciel avant même de l’avoir vu.
Il va donc démarcher MITS, le fabricant de l’Altair, et négocie avec lui du cash et la vente de licences.
C’est le prototype de la pensée startup : pressentir un marché, développer un logiciel en faisant un investissement, en tentant de faire fortune sur le cout marginal de fabrication des logiciels.
C’est une pensée top-down, du concept vers l’usager.
B) Les hobbyistes et la pensée horizontale
Les hobbyistes auquel pense Gates sont un groupe éthérogène d’utilisateurs de l’Altair et d’autres technologies. Il envoie sa lettre au Homebrew Computer Club, un groupe très actif de Palo Alto, dans la silicon valley, démarré en 1975.
Un vent de pensée anarchiste anime une grosse partie de ces bricoleurs, mûs par une méfiance vis-à-vis de l’état qui est le seul à posséder des puissants ordinateurs, et des grosses sociétés avec qui il est en contrat et qui lui fournissent services et conseil (Dont IBM, en contrat depuis les années 40 avec l’administration américaine).
Leur stratégie vise à populariser l’accès aux technologies, à créer des réseaux d’échanges de savoir via des newsletter, et peu à peu de produire ses propres innovations technologiques, basé sur les besoins de la communauté au sens restreint, et au sens large.
La lettre de Gates va faire partie des outils pour penser leur action, et plus tard la pensée du logiciel libre.
Hal Singer, dans sa newsletter Micro-8, publie une lettre ouverte à Ed Roberts où il remarque que MITS annonce pouvoir fournir un ordinateur pour 395$ alors qu’en réalité, le prix pour avoir un ordinateur fonctionnel chez eux est de 1 000$. Il suggère d’initier une class action ou de demander une investigation à la Federal Trade Commission pour publicité mensongère.
Hal Singer rapporte aussi une rumeur selon laquelle Bill Gates développait BASIC sur les ordinateurs de l’université de Harvard et donc, avec des fonds publics ; BASIC aurait donc dû être gratuit.
Et de fait, Bill Gates, Paul Allen, et Monte Davidoff utilisaient bien un PDP-10 du Aiken Computer Center de Harvard, financé par le DARPA (département de la défense américaine). La machine avait été livrée en 1969 pendant la nuit pour éviter les manifestations contre la guerre au Viet-Nâm (en). Le professeur Thomas Cheatham, responsable de la machine, n’avait pas réglementé son usage mais les officiels d’Harvard n’aimaient pas trop que Gates et Allen (qui n’était pas un étudiant) utilisent le PDP pour développer un produit commercial. Harvard finit par imposer des restrictions et Microsoft dut acheter son temps-machine jusqu’à ce que MITS leur fournisse un accès au PDP-10 d’Albuquerque.
C) Vers le logiciel libre avec tinybasic
« Il existe une alternative viable au problème soulevé par Bill Gates dans sa lettre vindicative contre les « computer hobbyists » : si un logiciel est gratuit ou si bon marché que l’acheter est bien plus facile que de le dupliquer, alors ce n’est pas du vol. »
— Jim Warren, juillet 1976
En juillet 1976, Jim Warren, membre du Homebrew Computer Club et rédacteur du Dr. Dobb’s Journal, rapporte le succès du projet Tiny BASIC sur la newsletter de programmation de l’Association for Computing Machinery. Le but du projet, initié en 1975, est de créer un interpréteur BASIC pour les ordinateurs utilisant des microprocesseurs. La lettre de Gates motive de nombreux hobbiysts à travers le pays et le monde à participer au projet : en peu de temps, les interpréteurs Intel 8080, Motorola 6800 et MOS Technology 6502 sont prêts. Leur code-source est publié et la licence vendue 5$ ou 10$.
5. Internet et le logiciel libre
Pas d’internet sans le logiciel libre, pas de logiciel libre sans l’internet.
En 1993, Tim Berners-Lee et Robert Caillau décident de faire entrer leur « invention » - le html, le serveur web, le domain name server et le logiciel www - dans le domaine public. C’est une décision réfléchie, mais dont il ne calculent pas les conséquences :
– n’importe qui peut utiliser le code, installer un serveur, inventer des extensins du code, etc.
– l’usage de ces technologies est gratuit et est protégé d’une récupération commerciale
Le web (le fait de consulter des pages liées entre elles par des liens hypertextes) va se développer de manière exponentielle dans les années qui suivent PARCE que cette technologie est ouverte.
Elle va entrainer dans son sillage d’autres innovations elles mêmes libres, comme le serveur Apache, les CMS, les formats de compression d’image.
Elle va inviter les auteurs à partager leurs contenus en abandonnant leur droit ou en utilisant des licences libres.
6. Innovation, anonymat, partage
Le but de ce cours est de tourner autour de ces innovations technologiques et de prendre la mesure des changements qu’elles produisent sur notre expérience quotidienne.
Dans les années 90, un de mes amis tombe amoureux au cours d’un échange de mails avec une femme habitant New-York qu’il ne rencontrera jamais.
Certains gamers se présentent dans la vie sous leur pseudo, certains on revendiqué le droit de changer leur nom officiel par celui de leur avatar en ligne, plus proche de leur moi profond qu’un nom choisi par leur géniteur.
La multiplication des contextes simultanés produit des effets incalculables dont l’émergence d’une « économie de l’attention »
L’économie d’échelle logicielle, et son cout marginal de production nul, produisent paradoxalement des concentrations de richesses jamais vues.
7. Pas de trading haute fréquence sans ordinateurs, pas de Panama Papers non plus
La concentration, la rapidité de circulation, et l’explosion de la production de données atteint des tailles jamais rencontrées dans l’histoire connue de l’humanité.
Ceci engendre des phénomènes sociaux et économiques connus par le passé (création de monopoles, destruction de pans entiers de l’économie et de la société, création de nouveaux métiers) mais dont la cadence et l’échelle n’ont rien de commun avec les époques précédentes.
Les dangers sont à la hauteur des opportunités.
« Airbus, en inventant un avion de 800 places, crée 800 morts potentiels »
Paul Virilio, Penser la vitesse
Des utopies renouvelées au retour des "communs".
Navigateur "éthique" : https://duckduckgo.com/privacy
Le Digital Belgium Skills Fund aide les réfugiés à déployer leur potentiel numérique :
https://www.kbs-frb.be/fr/Newsroom/Press-releases/2017/20170831ND?hq_e=el&hq_m=4890785&hq_l=6&hq_v=611c088908
P2P Foundation
est une organisation internationale consacrée à l’étude, la recherche, la documentation et la promotion des pratiques pair à pair (peer-to-peer) au sens très large.
Le P2P est aussi une nouvelle infrastructure médiatique. Avec l’apparition du Writeable Web, et spécifiquement de la blogosphère, il est dorénavant possible de ’publier’ sans intermédiaire industriel ; ce phénomène de démocratisation de l’édition et de l’expression créative est en train de s’étendre à toute la chaîne de production/publication, de distribution, et de ’consommation /utilisation’ et a été profondément ’désintermediatisée’.
https://wiki.p2pfoundation.net/French_language
Aram Bartholl "12V, 5V, 3V", palace square à Münster.
http://cagrp.org/view/munster2017/index.php?id=16244