Introduction 2019
Le cours Cultures numériques est une boîte à outils en 2 parties, constituée de cours théoriques et d’ateliers pratiques.
Ce cours est expérimental - sa forme a changé chaque année depuis sa mise en place - mais il est obligatoire, ce qui signifie que ne le valider à des conséquences sur votre réussite scolaire.
Théorie et pratique
Le cours est structuré par 2 workshops. Le premier aura pour thème l’économie (en rapport avec le numérique évidemment) et le deuxième se centrera sur les aspects physiques du numérique.
Ce site est dédié au cours, et contient l’ensemble des informations sur ses dates et ses contenus.
Cultures numériques ?
les technologies digitales font parties de notre monde depuis plus de deux siècles. Le métier Jacquard vers 1801, la machine analytique de Babbage, le premier code informatique de Ada Lovelace vers 1843 sont autant d’étapes qui témoignent d’un intérêt grandissant pour d’une part des machines capables de réaliser automatiquement des calculs complexes, et d’autre part des machines capables d’attaquer n’importe quel problème logique, une machine universelle donc.
Fin du 19e, la taille des sociétés modernes oblige les administrations à repenser leurs outils de gestion et de contrôle. Le recensement de la population américaine sera l’occasion de mettre le métier Jacquard au travail : la machine de Hollerith, un tabulateur électro-mécanique qui fera passer le recensement de la population des Etats-Unis de 9 ans (en 1880) à 3 ans en 1890. Hollerith brevète son invention, fonde une compagnie qui finira, de fusion en fusion, par devenir IBM.
Turing théorise sa machine potentielle, la machine de Turing, en 1936. Après la deuxième guerre mondiale, l’histoire de l’informatique contemporaine commence vraiment avec des figures comme Von Neuman, et surtout l’entrée en scène de partenariat public privé, avec des firmes comme IBM et Bull, et des universités comme le MIT ou Stanfort.
C’est pourtant, pour faire court, dans les années 80 que l’informatique telle que nous la connaissons explose, avec les ordinateurs personnels et des figures comme Steve Jobs et Bill Gates.
De la même manière que ni la photographie, ni le cinéma, ni la radio, l’informatique et internet ont eu des conséquences sociétales inattendues, et sont des objets de luttes politiques et culturelles déterminantes au niveau global.
Ce sont ces débats et luttes que ce cours a pour but de vous laisser entrevoir.
Quelques faits brûlants sur l’impact des technologies
Les cryptomonnaies et le libra
Facebook, et à sa suite un ensemble d’acteurs importants des services de transfert d’argent, des entre-preneurs donc, essaient de faire accepter le déploiement d’une crypto-monnaie, dont ils seront les garants : le Libra. On trouve des majors du transfert d’argent comme Visa et Paypal, mais aussi des sociétés de la nouvelle économie comme Lyft, Facebook bien sûr, mais aussi Spotify et eBay, et planqués derrière, de gros fonds d’investissement des USA et du Canada. Acheter et vendre sur Facebook et eBay avec du Libra, puis payer son abonnement Spotify en Libra, partout dans le monde, grâce à des applis dédiées ou en ligne ? Ça sera a coup sur commode, mais un grand nombre d’acteurs sont très inquiets de voir des compagnies créer ce qui est pour le moment réservé (et garanti) par les états.
Un rapport de Finance Watch de juillet 2019 fait état de dix problèmes importants soulevés par cette tentative de privatisation de la monnaie. La volatilité de la monnaie,
https://www.theguardian.com/technology/2019/jun/21/facebook-co-founder-warns-against-libra-cryptocurrency
Dans le même secteur bancaire, la menace invisible de la disparition de l’argent physique ne semble pas inquiéter grand monde. La suède était en passe de supprimer l’argent sous forme physique mais est en train de se rétracter devant les risques incalculables d’une telle opération. Ce sont les retraités, qui craignent un déclassement par manque de maitrise des technologies numériques, qui sont les plus actifs : les milléniars semblent de leur côté massivement pour, car c’est cool de payer avec son smartphone. Les lobbies bancaires font pression sur les états : manipuler, compter, transporter de l’argent physique leur coute de l’argent, et il y a tellement d’autres avantages à capturer l’intégralité de la circulation de l’argent, que ce soit en terme de poids politique et de big data...
Open source, block chain et mèmes à Honk Kong : un nouveau type d’activisme
Depuis la rétrocession de Hong Kong à la Chine en 1997, les habitants de l’ancienne colonie britannique ont bénéficié d’un système politique particulier leur garantissant notamment un système judiciaire, politique, et une monnaie spécifique. Mais en mai 2019, un amendement de la loi d’extradition est proposé par le gouvernement de Hong Kong. La population de Honk Kong y a vu immédiatement une menace de leur système judiciaire, et des manifestations de grande taille ont eu lieu de manière répétée, avec de plus en plus de personnes impliquées. Jusqu’à 2 millions sur une population estimée à 9 millions. La cheftaine de l’exécutif de Hong Kong, Carrie Lam, a finalement du céder devant la pression de la foule, en gelant le processus d’adoption, sans annoncer son renoncement définitif à l’amendement. La population reste mobilisée, mais la répression policière s’est entretemps organisée et utilise plus de violence envers les protestants. Tous les moyens technologiques disponibles sont notamment employés pour identifier les "leaders" de l’opposition. Les habitants de Honk Kong, appartenant massivement à une middle class éduquée, se sont donc formé à la résistance électronique et informatique.
Il faut placer cette lutte dans le contexte d’une Chine en pointe dans l’utilisation des technologies digitales à des fins de contrôle de la population : La chine a installé pour sa population un système de crédit social, une notation qui varie en fonction des "incivilités" constatées de chacun. Ce crédit social détermine jusqu’à la possibilité de prendre le train ou contracter un emprunt, entre autres conséquences extrêmement pratique.
Pour contrôler la population dépassant le milliard d’individus, la chine s’est dotée de moyens de surveillance hors norme : caméra à reconnaissance de visage et analyse du comportement, base de données et logiciels d’analyse. Les craintes des habitants de Honk Kong sur la répression qu’il pourraient subir est donc basée sur un contexte de contrôle répressif tangible.
Texte d’Ellen Pau, artiste, chercheuse et curatrice basée à Hong Kong
sur la liste -empyre- (curatrice du mois : Shulea Sheang)
“Alors que désillusion et frustration d’une nouvelle génération alimentent les protestations de Hong Kong, un nouveau type d’activisme hongkongais émerge alors que les manifestants se mobilisent sans aucun leader.
Hong Kong est un grand firewall, Hong Kong n’est pas la Chine, Hong Kong a été répertoriée comme l’une des villes libres du monde, mais la liberté civique est limitée par de nouvelles technologies telles que les big data et un programme de smart city/ville intelligente. Pendant que les HongKongais peuvent encore en apprendre davantage sur les camps cachés du Xinjiang, un refus du système de crédit social chinois faisant redouter un contrôle étroit de la liberté de parole, et même un génocide, sont les peurs exposées par les manifestations contre l’amendement de la loi d’extradition.
Le piratage d’un lampadaire intelligent en est un exemple. Le 25 août, un lampadaire a été démonté pour être examiné par les manifestants afin de révéler tout le matériel à l’intérieur. Beaucoup d’entre eux sont fabriqués en Chine et sont peut-être connectés à un serveur ; la violation de la vie privée et de data telles qu’images de surveillance (caméra thermique) et données biométriques ne peuvent être exclues.
Une autre focale est la façon dont les manifestants utilisent brillamment les médias sociaux (Facebook, Telegram, Lihkg) et la communication mobile (Airdrop, Bridgefly, etc.) pour prendre des décisions et diffuser leurs nouvelles, demander le soutien des communautés mondiales. De nombreuses chat rooms Lihkg (une version similaire de Reddit) surgissent pour discuter action et tactique, témoigner via vidéo, tandis que Telegram, Tinder et Pokermon Go ont pour rôle d’organiser la foule, les transports, documenter les Lennon Walls, faire de la publicité, trouver des ressources, des espaces, des équipements de protection, des coupons alimentaires, des bénévoles etc.
D’un autre côté, la Chine diffuse fake news et désinformations sur les manifestations et attaque par déni de service la presse indépendante et les chat-rooms de Hong Kong. Les autorités chinoises vérifient les téléphones portables et prélèvent des échantillons de sang pour effectuer une surveillance biométrique de l’autre côté de la frontière à Shenxhen. Plus de 900 comptes Facebook et Twitter ont été supprimés en raison de la mauvaise information soutenue par l’État.
Outre les médias sociaux, des technologies médiatiques que la Chine ne peut bloquer ont été utilisées dans la communication de rue, par exemple la messagerie Mesh.
Les manifestants créent des médias tactiques pour les militants via Github (interdit en Chine), par exemple : une carte en temps réel pointant notamment les zones occupées par la police et un accès vidéo en direct de 15 canaux sur les lieux des affrontements.
Un Lennon Wall en réalité augmentée a été construit après que les sites dispersés sur HK aient été vandalisés encore et encore.
Les activistes explorent l’open source et les moyens de collaboration et y voient une force en opposition au contrôle totalitaire et à la forte pression du gouvernement.
Manifestants et Hongkongais sont engagés dans un réseau décentralisé et sans leader, utilisant une tactique de la philosophie de Bruce Lee - "Be Water".
Ils ont créé des signes corporels, des néologismes, une propagande étonnante, des moyens créatifs pour combattre les gaz lacrymogènes (cônes de Lübeck, raquette de tennis), des lasers à visée anti-surveillance, et utilisent la Blockchain pour collecter des fonds ou préserver des données sensibles et protéger l’histoire de la vraie Hong Kong.
Ils utilisent les mèmes de la culture pop pour rester visibles du monde entier.
J’ai suivi la manifestation depuis le début et j’ai remarqué qu’elle était devenue plus meurtrière à mesure que la police exerçait une violence excessive contre les manifestants.
HK est en train de brûler, comme l’ont dit les activistes, "si nous brûlons, vous brûlerez avec nous" (du film Hunger Games), j’exhorte les citoyens du monde à repenser leur position en matière de protection de l’humanité, de liberté et de démocratie. Alors que le meilleur des mondes arrive bientôt avec la 5G, les médias sociaux et la surveillance...
Quelques liens sur Hong Kong
A film about Hong Kong’s fight for democracy (vidéo)
How Hong Kong is Calling on the World for Help (vidéo)
Meet Hong Kong’s Teenage Protesters (vidéo)
DRONE OVER HONG KONG PROTESTS (vidéo)
Black blorchestra (vidéo)
An incomplete list of efforts in the movement* thus far, that may help us know better what we may do to help
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2019/03/01/20002-20190301ARTFIG00319-la-chine-interdit-a-23-millions-de-citoyens-de-voyager-avec-son-systeme-de-credit-social.php
https://www.hongkongfp.com/2019/08/26/hong-kong-tech-firm-pulls-smart-lamppost-programme-surveillance-accusations-staff-threats/
https://www.asiatimes.com/2019/09/article/hk-govt-denies-casting-powder-to-scare-and-track-protesters/
https://www.forbes.com/sites/johnkoetsier/2019/09/02/hong-kong-protestors-using-mesh-messaging-app-china-cant-block-usage-up-3685/#4ee7bb8135a5
http://www.slate.fr/story/92755/hong-kong-firechat-mesh
Quelques anecdotes de plus
La selfisation du monde
Un couple trouve la mort par amour du selfie
Instagram menace les sites naturel
Une nouvelle forme de résistance ouvrière
Une des plus vieille formes répertoriées de résistance à l’industrialisation : le luddisme.
https://www.theguardian.com/books/2019/aug/31/the-new-resistance-how-gig-economy-workers-are-fighting-back
versus
https://www.mediapart.fr/journal/france/290819/facebook-aneantit-l-audience-d-une-partie-de-la-gauche-radicale
&
https://www.businessinsider.com/russian-troll-slayer-went-undercover-at-a-troll-factory-2019-3?IR=T
https://www.vice.com/en_ca/article/kzv38w/millennials-in-china-are-using-nudes-to-secure-loans
https://www.wired.com/story/malware-dna-hack/
https://www.france24.com/fr/20190528-art-contemporain-ordinateur-virus-134-millions-dollars-encheres-persistance-chaos
https://www.artsy.net/article/artsy-editorial-rise-fall-internet-art-communities
Quelques concepts qui nous importent
L’avenir change à toute vitesse ces dernières années. Alors que le web annonçait la liberté de parole et d’identité, de genre, une dématérialisation partielle de notre vie, les technologies de contrôle et d’espionnage n’ont jamais été aussi florissantes, ainsi que les demandes pour la sécurisation à l’extrême de chacun des aspects du net.
Le partage horizontal des informations est devenu spotify, youtube, instagram et facebook.
L’écologie a fait irruption de manière brutale dans le débat. A peine a-t-on eu le temps de trouver le streaming génial que son impact écologique apparaît comme impayable, ainsi que son pote le cloud.
Quitter le virtuel, revenir au monde physique ? Le billet d’avion sent désormais lui aussi le soufre.
La frugalité semble s’avancer comme une des seules solutions pour échapper à une planète en surchauffe, mais les questions sociétales deviennent alors brûlantes : qui va réduire sa consommation, qui pourra garder sa voiture ?
Le P2P, la relocalisation des données (projet MAZI par exemple), plein de tentative à la fois hi et Low tech émergent qui donnent à penser et à faire.
Le piège de la commodité commence à être évoqué.
La prise de conscience d’être enfermé dans une filter bubble est maintenant assez partagée.
Mais le passage du cube gris, le moche PC des années 90 mais machine potentielle qui a permis une génération de hackers, aux élégants smartphones et attirantes tablettes a réduit le champ de possibilité des utilisateurs. Le gouffre qui sépare les producteurs de technologies et les consommateurs de celles-ci s’est agrandi.
Dans ce contexte malmené, les artistes sont importants, leur job est de se re-symboliser l’expérience collective et y injecter des perspectives, du sens, de la distance, mais aussi de la joie.
Aram Bartholl propose avec 5V de recharger son smartphone autour d’un feu de camp, grâce à une machine de sa fabrication.
Plus de liens évoqués lors de la présentation
Art
https://we-make-money-not-art.com/center-for-technological-pain/
https://www.theguardian.com/artanddesign/2016/may/20/cory-arcangel-artist-canvas-out-of-clickbait
https://bengrosser.com/projects/order-of-magnitude/
https://9-eyes.com/
http://www.albertinemeunier.net/my-google-search-history
https://forensic-architecture.org/
https://www.laboiteverte.fr/un-robot-achete-au-hasard-sur-le-darknet/
http://www.xxx-clairewilliams-xxx.com/
https://gaite-lyrique.net/evenement/computer-grrrls
http://desertnumerique.net/2013/?ln=fr
Not another UAV (Bringing down drones with stones)
Diffusion télévisuelle de Alejo Duque / KDAG@18kFeet / Cyrille Henry
Series TV
Mr Robot saison 2 (crytpomonnaie/bitcoin)
Blackmirror (dont S03E01 crédit social)
Philip K. Dick’s Electric Dreams
Halt & Cath fire (débuts de la microinformatique, d’Internet, des jeux vidéos,,,)
Love, Death & robots
Publications récentes
anthology.rhizome.org
The Art happens Here : net Art Anthology, éd. rhizome, 2019
Reclaim the code
Richard Stallman est une des figures de la culture open source qui se crée au moment où le code se ferme. Désirant améliorer la photocopieuse de son université, il est confronté au refus de Xerox de lui donner accès au code, comme c’était le cas auparavant. Il a l’intuition qu’une dérive vient d’apparaître et il se met à penser ce qui deviendra la licence libre GNU.
En conclusion
Reprendre en main les technologies digitales, c’est mesurer leur complexité, la difficulté à les penser, mais aussi commencer à les comprendre dans ce qu’elles ont d’humain, de faillible, de soumis à des préjugés, et impensées dans leurs conséquences.