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Cultures numériques

Cours de Bachelor 1

Corps numérique session 1

Vivre et penser comme un microcontrôleur

La caverne de Platon n’est pas que la métaphore de l’existence humaine, c’est aussi celle des microcontrôleurs. Ils sont autour de nous et passent l’ensemble de leur existence à scruter les valeurs de leur capteur, qu’il prennent pour le vrai monde, ce vrai monde sur lequel ils agissent, en nous ouvrant des portes, déclenchant des alarmes, encore et encore.

Ils sont partout

Les microcontrôleurs sont des éléments électroniques qui rassemblent les éléments d’un ordinateur (mémoire vive, mémoire morte, stockage, processeur...). Mais là où nos ordinateurs de bureau, nos portables et même les smartphones sont créés pour être polyvalents, le microcontrôleur est construit avec un but particulier, ce qui permet de se concentrer sur les besoins spécifiques de ce but et de là, économiser en espace, en consommation et en composants embarqués.

Les microcontrôleurs peuvent être très bon marché, avec quelques fonctionnalités seulement : les pistolets électroniques émettant du son et de la lumière lorsqu’on presse la gâchette en contiennent, ainsi que les télécommandes, les climatisations, les alarmes domestiques, etc.

Les microcontrôleurs sont évidemment entourés d’un ensemble d’autres composants électroniques : transistors, condensateurs, diodes, etc. Mais cet ensemble va compter surtout un certains nombres de capteurs et d’actuateurs.

Les capteurs sont des éléments électroniques permettant au microcontrôleur de capter son environnement. Les plus simples sont des contacteurs, des boutons ou des potentiomètres, comme le bouton de volume d’une radio, mais on peut trouver aussi dans cette catégorie des capteurs complexes, capteurs de présence, de gaz, d’humidité, de distance, etc.

Les actuateurs (ou actionneurs) sont des composants qui transforment l’énergie électrique en un phénomène physique. Du mouvement, via un moteur, de la chaleur via une résistance, de la lumière, du son, etc.

Les microcontrôleurs ont donc pour tâche de piloter ces deux extrémités : réception d’information et le déclenchement d’actions. Il est un centre de traitement avec un programme interne, parfois simple, parfois complexe.

La médiation algorithmique

Avec le microcontrôleur, on passe d’une gestion des actions électrique ou électromécanique à une gestion algorithmique. Ce changement est complètement différent dans sa nature.
Voici le circuit d’un interrupteur électrique :

Le circuit est direct : l’interrupteur gère directement l’alimentation de l’ampoule en fermant le circuit.
Voici un même type de circuit, géré par un microcontrôleur :

Ici, c’est le microcontrôleur qui gère l’ouverture et la fermeture du circuit, via un relai, un actuateur permettant de fermer le circuit. Le bouton est un capteur connecté au microcontrôleur qui analyse l’information qui lui parvient.
Il n’y a plus de relation directe entre l’action d’appuyer le bouton et le fait d’allumer la lumière. Il y a entre les deux un algorithme, ou programme informatique, qui est chargé de faire ou pas la relation entre bouton et lumière.

En ajoutant un microcontôleur, on peut complexifier le comportement du circuit, par exemple ne pas permettre d’allumer la lumière le jour, grâce à l’ajout d’un capteur supplémentaire, comme une horloge ou un clavier à code.

Internet des objets et perte de contrôle

Le remplacement de systèmes électriques par des microcontrôleurs permet aujourd’hui l’émergence de ce qu’on appelle "l’internet des objets". Il s’agit de pouvoir communiquer avec un ensemble d’objets connectés, mais aussi de laisser ces objets communiquer avec nous, entre eux et avec... on ne sait pas très bien qui.
Faire monter le chauffage ou couler un bain depuis un smartphone, piloter une caméra qui surveille la sieste d’un bébé, réduire la vitesse d’une voiture en fonction des limitations de vitesse, être alerté d’une intrusion par sms... L’ensemble de ces comportements est possible par l’ajout de microcontrôleurs dans un nombre grandissants d’objets de notre quotidien.

Dans cette nouvelle configuration de notre environnement, où les actuateurs sont contrôlés in fine par un programme (de plus en plus connecté avec le réseau), une série de questions nouvelles se posent : que fait le programme embarqué dans le microcontrôleur, qui l’a écrit, selon quels choix, et enfin, quelle capacité d’action avons-nous de connaitre de contrôler et modifier le comportement de ces machines. Les vides juridiques sont nombreux, et le scandale du dieselgate n’est qu’un des premiers aperçus de l’ampleur des problèmes politiques à venir.

Laissons cet aspect pour le moment.

Les algorithmes et les artistes

Il n’a pas fallu l’internet des objets pour que les artistes s’intéresse à la notion de programme et n’intègre la logique de ceux-ci dans de nouvelles méthodes de création et dans de nouvelles esthétiques.

Si l’art numérique s’intéresse à des aspects parfois précis des technologies qui nous entoure, l’ordinateur est un des points culminants de la révolution industrielle, et la manière dont celle-ci affecte notre rapport au monde a été abordée par de nombreux artistes depuis plusieurs siècles déjà. Instructions, modes d’emploi et schémas décisionnels, les artistes ont abordé ces notions avec des intentions et des méthodes différentes : critique, fascination ou application enjouée, aussi bien dans le domaine des arts plastiques que dans les arts de la scène, la performance ou l’écriture.

Moholy-Nagi, dans les années 1920, utilisera le téléphone pour décrire des dessins sur plaque émaillée directement au fabricant.

I am sitting in a room de Alvin Lucier, par exemple, utilise en 1969 une procédure qui est la matière textuelle et sonore de sa pièce.

Tony Orrico s’implique physiquement dans des dessins de grande taille qui suivent des procédures préétablies et répétitives.

Penser et agir en microcontrôleur

Lors de ce workshop, nous approcherons la création algorithmique en se mettant dans la peau d’un microcontrôleur, pour éprouver son monde, et voir comment des procédures en apparence simple peuvent être le fruit d’une élaboration complexe, ou générer des formes étonnantes.

Quelques étapes du workshop :
Démo d’un microcontrolleur (arduino)

 Conceptualiser un système simple de contrôleur du type interrupteur de présence ou porte automatique, composé d’un capteur et 1 actuateur
 Réfléchir au aspects de resilience, ou comment parer lorsque quelque chose ne se passe comme il le faudrait.
 Ajouter des capteurs, dessiner un circuit, une description de l’action

Par Stéphane Noël, Wendy Van Wynsberghe , 2 octobre 2017