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Cultures numériques

Cours de Bachelor 1

Présentation

Le numérique est le fruit de la recherche passionnée de penseurs, utopistes, mais aussi du complexe militaro-industriel. Aujourd’hui poussé par les budgets du marketing et des majors de l’industrie, est-il condamné à faire partie du problème, du crépuscule du capitalisme, ou est-il possible de lui imaginer des histoires alternatives à travers des usages alternatifs, des modes de production alternatifs, et un contre-pied au "think fast and break things" cher à la Silicon Valley ?

C’est la question que nous voulons aborder à travers ce workshop.

Échapper à la startup nation

Le modèle économique de la startup nation écrase la majeure partie des initiatives citoyennes d’utilisation des technologies de manière mesurée et respectueuse des usagers.
> Voir "Uber, miroir de l’impuissance publique" de Morozov

Le mythe des origines de la statup nation est l’intuition des besoins de la société, basée sur l’expérience du développeur lui-même : le walkman inventé par un amateur de golf et de musique classique, Youtube inventé par un type qui veut partager ses vidéos avec ses potes, etc.
Le Graal est donc pour chaque génération de développeurs de trouver cette chose qui manque à la société. Cette fable est encouragée par le besoin des investisseurs de placer l’argent en excès dans le système boursier, et le fantasme du next big thing entretenu par la culture capitaliste. La disruption est le terme même qui résume ceci en révélant en plus sa part conquérante : il s’agit de trouver quelque chose qui va court-circuiter quelque chose de déjà existant, grâce à l’utilisation d’une technologie qui fluidifie un process existant (souvent au mépris d’une législation perçue comme encombrante). Le taxi, par exemple, qui est un service existant, mais qu’il s’agit de penser du point de vue du consommateur, en créant une offre plus grande, une mise en concurrence plus forte des prestataires, et des astuces juridiques pour rendre tout ça légal.

Des coups aussi fracassants deviennent moins faciles avec le temps. La législation tente de s’organiser (même si les états voient plutôt d’un bon œil "l’activation" des populations et se veut "tournée vers l’avenir"), et les services s’adressent aujourd’hui plutôt à des niches, qui ne garantissent pas un marché très grand, et de plus demandent de mieux connaitre le public cible.

Un exemple foireux de cette tentative d’identifier un besoin et de proposer une solution technologique, Replika est un AI destinée à devenir un coach/ami/psy.


The AI companion who cares
If you’re feeling down, or anxious, or just need someone to talk to, your Replika is here for you 24/7. (https://replika.ai)

Se confier à un algorithme peut rappeler une des scènes d’entrée de THX 238 de Lucas, et partage avec ce film l’idée que derrière, il y a autre chose qu’un ami qui vous veut du bien.

Mais en plus, ici, le projet est parti en vrille : outre le côté intrusif, dans certaines circonstances (en regardant la télé par exemple) l’application se nourrit de l’univers perçu, pour vous conseiller. Mais des comportements inattendus se sont produits lorsque l’application a pris les films d’action de certains utilisateurs pour leur vraie vie...
https://twitter.com/karaastone/status/1170191329399173121

Capitalisme, avidité et opportunités

Les gens sont débordés par la somme de micro-tâches ? On peut leur proposer des systèmes d’agenda plus performants, ce qui permet la récolte d’information extrêmement précises sur leur activité, et leur proposer des services.

La monétisation rapide, la course à l’entrée en bourse pousse en effet de nombreux projets à mettre en place des stratégies de capture de l’attention, de données, en vue d’intéresser les investisseurs et de dégager des marges de bénéfices.

Penser des outils plus en phase avec les différentes urgences contemporaines est donc un enjeu fort, mais plus difficile qu’il n’y parait : au delà des aspects techniques, l’équilibre entre commodité d’un service d’une part, et son coût écologique et éthique d’autre part est difficile à maintenir.
Le débat autour de la question "la technologie est-elle neutre" reçoit chaque jour des réponses par l’exemple plutôt problématiques. La recherche et le développement ne sont jamais neutres, et ils ont été depuis des décennies orienté par des choix politiques visant le contrôle, et la rentabilité financière.

Des individus et communautés réfléchissent cependant à des alternatives,
par exemple veut poser via le développement open source une approche distribuée, et pensée pour le "care", et l’information plutôt que la donnée.
Des réflexions pointues dans le milieu des développeurs
https://blog.datproject.org/2017/12/10/dont-ship/
Des considérations écologiques sont aussi abordées ça et là.
Des outils locaux, orientés sur le développement de micro communautés, comme le projet Mazi en Grèce, construit en micro-réponse de la destruction socio-économique.

La frugalité technologique peut être une réflexion sur le long terme, basée sur une pensée sur les ressources disponibles dans un espace fermé comme notre planète.
https://www.youtube.com/watch?v=Bx9S8gvNKkA

Session 1

Chaque groupe reçoit/choisit une thématique :
Alimentation (producteur)
Alimentation (consommateur)
Transport (personnes)
Transport (marchandises)
Bricolage et réparation
Partage de ressources (matérielles, par ex. outils)
Formation / enseignement
Travail social
Justice sociale
Sécurité
Résistance politique (face à des dangers immédiats)
Activisme
Lobby
Écologie et développement durable
Information
Divertissement
Santé
Communication (entre individus)
Souvenirs & documentation
Accès et partage de la culture
Création artistique

Il s’agit de penser une application proposant un service utile à un groupe d’usager, qui peut aller de quelques personnes à la population mondiale. Ce service peut utiliser les différents supports disponible, du téléphone à l’ordinateur, et les différentes potentialités de ceux-ci : géolocalisation, micro-paiement, base de donnée et recherche sur le net (etc. ?)

Des groupes de 4 personnes sont constitués autour d’une thématique punaisée au mur.
Le service doit pouvoir être décrit de manière simple, en répondant aux questions de base
 quel est le public à qui s’adresse le service
 à quel problème répond le service
 que permet-il de mieux que d’autres solutions existantes
 comment fonctionne le service
 à partir de quelles informations fonctionne-t-il
 de quoi a-t-il besoin pour fonctionner en termes de moyens et d’utilisateurs

Aspects éthiques
Un des principes du capitalisme est de voir tout ce qui arrive comme une opportunité. Par exemple, si les habitants des quartiers populaires de Lisbonne ont des difficultés à boucler leurs fins de mois, une boite peut leur proposer de pendre des publicités à leurs fenêtres. Un exemple pur de l’économie du partage.

Par ricochet, il est bon de se demander : quelles sont les dérives potentielles de ce service si il rencontre beaucoup de succès ? Quelques idées pour y faire face ?

En fin de première séance :
Penser à un nom et une baseline.
Pitcher à la classe en fin de séance

Session 2

On commence par la présentation de quelques applications et services existantes, à titre d’exemple et de contre-exemple. Voir l’article récapitulatif sur le sujet.

Prototypage : penser la manière dont s’utilise le service : une app, un site ?
 Comment se passe une session type ? Si il y a plusieurs rôles possibles, existe-t-il une différence entre ces rôles du point de vue de l’interface ?
 Comment se passe l’inscription ? Penser écran par écran.

Topo sur la récolte des informations, sur les bases de données, sur leur croisement.
Quelle est la taille des informations récoltées ?
 Quelles sont celles qui sont permises par le système ?
 Quelles sont celles qui sont utiles pour une amélioration du système ?
 Quels sont les problèmes de sécurité potentiels posés par la récolte de données ?

Présentation à la classe. Pour chaque projet, voir quelle sont les avantages que permet le système, imaginer les cas les plus problématiques de captures de ces infos, par un pirate ou par un pouvoir fort ou une compagnie achetant les données.

Session 3

Créer une série de visuels et de textes liés au service et trouver une méthode pour visualiser le projet. Un template en bootstrap ou une appli pour créer des applis, ou au moins un wirefame.

Penser énergie, conservation, vie sociale
Comment jauger l’utilité sociale d’un service ?
est-ce que l’appli est faite pour se rendre indispensable ou dispensable
est-ce que l’application vient remplacer quelque chose qui existe socialement, renforcer quelque chose d’utile socialement, ou créer quelque chose de nouveau sans être au détriment de quelque chose ?
Quel est l’empreinte carbone d’un tel service ?
Exemple de DAT, qui est un service distribué, mais qui du coup demande une multiplications de petits serveurs.

Et enfin :
Pourrait-il être remplacé par une version analogique, ou matérielle ?

Préparer la présentation de la semaine suivante : pitch, logo, baseline, démo ou présentations courte, ou vidéo ou photo et tous leur hybrides possibles.

Autres liens

Des alternatives
 https://nubo.coop/fr/
 https://www.scuttlebutt.nz/
 https://joinmastodon.org/

Quelques textes
 http://www.imaginaryfutures.net/2007/04/17/the-californian-ideology-2/ un texte visionnaire de 1995 qui questionne la confluence, au sein de la Silicon Valley, de l’idéalisme post-hippie et du néo-libéralisme
 https://www.schneier.com/blog/archives/2013/10/the_battle_for_1.html ou pourquoi on peut qualifier le paysage numérique actuel de "féodal"
 une paire de présentations du toujours clairvoyant et cinglant Maciej Ceglowski :
- https://idlewords.com/talks/notes_from_an_emergency.htm
- https://idlewords.com/talks/sase_panel.htm
 https://blog.bgcarlisle.com/2019/06/05/on-techbros-in-healthcare-and-medical-research/ la disruption (surtout dans le secteur médical)
 https://infocivics.com/ quelques raisons qui motivent le mouvent actuel vers la décentralisation du net et du web
 https://coolguy.website/writing/the-future-will-be-technical/ pour un angle plus optimiste

Par Stéphane Noël, 30 septembre 2019